Ecran noir Mercredi 21 Mars 2013


Occupy Méliès à Montreuil

Posté par vincy, le 21 mars 2013, dans exploitation, salles de cinéma.



Les Socialistes sont embourbés dans le bocage nantais à cause d'un aéroport... Mais les Écologistes s'enlisent dans un autre conflit, politico-économico-culturel, à deux pas de Paris... Le Méliès, l'historique cinéma municipal situé à Montreuil, créé en 1897, a subit 46 jours de grève (seules les séances destinées aux scolaires étant maintenues) avant de rouvrir le 6 mars, avec le film d'Agnès Jaoui, Au bout du conte... Et au bout du compte, on assiste affligés à une guérilla juridique et médiatique entre une maire, l'ancienne ministre Dominique Voynet, et des artistes, employés municipaux et autres professionnels de la profession.
Voynet versus "La Diva"
Cependant la maire a gagné une bataille puisque la grève est terminée. Le bilan est lourd. Outre les trois salariés suspendus de leurs fonctions, le directeur artistique, Stéphane Goudet, "La Diva" selon Voynet comme le rapporte Le Canard Enchaîné, a été licencié : "manquement au devoir de réserve, insultes subliminales sur internet, non-dénonciation d'une irrégularité comptable et nuisance à l'image de la ville et du projet". Cela risque de coûter cher aux prud'hommes si aucun de ces motifs n'est juste. Depuis 2002 Goudet avait pourtant réussi à résister à la concurrence des multiplexes tout en conservant une programmation art et essai assez pointue et salutaire dans cette banlieue écartelée entre cités HLM et nouveaux lofts pour "bobos". Grâce à lui, le Méliès a vu défiler quelques uns des plus grands cinéastes du moment. "Stéphane Goudet a fait un travail exceptionnel et a subi un traitement honteux" raconte David Henochsberg, exploitant parisien.
143 000 € détournés selon la Mairie
Petit rappel des faits. Le 3 décembre 2012, la ville de Montreuil ordonne une "enquête administrative", présumant de dysfonctionnements dans la gestion du cinéma municipal. 143 000€ manqueraient dans les caisses selon la commune. Le 6 décembre Dominique Voynet saisit le procureur et porte plainte contre X pour "détournement de fonds publics" : caisse noire, double billetterie, ...  Tout cela devait être confidentiel, mais chaque parties a préféré s'envoyer ses arguments par voie de presse. De fausses accusations sont échangées au passage.
En février, le Trésor Public annonce qu'il manque 8 000 € (abonnements scolaires de la saison en cours). Soit 0 € en juin, puisque ces abonnements doivent être payés à la fin de l'année scolaire. On est loin de la somme totale évoquée par la mairie.
Mais la Ville évoque d'autres soucis de gestion : ainsi elle affirme que les séances dites non commerciales auraient généré 77 000 € de recettes, qui n'auraient pas été reversées dans les caisses de cinéma. Le Méliès se défend en arguant que la municipalité a gonflé le nombre de spectateurs allant voir des films expérimentaux ou autoproduits ou des documentaires sans distributeurs… Au mieux cela ne concerne finalement qu'une quinzaine de séances et une moyenne de 30 spectateurs payants (trois fois moins que le chiffre retenu par le rapport de la Mairie). Et le rapport confirme que les sommes étaient bien reversées dans les caisses.
Mais l'absurde va plus loin : tous les cinémas disposent du droit d'exonérer un spectateur (équipes de films, cartes professionnelles, cartes vertes des critiques, carte CICAE des exploitants, invités...). Mais en 2009, les élus municipaux ont révisé tous les tarifs du cinéma à la hausse, oubliant de mettre une exception sur cette "gratuité". Légalement, donc, les exonérations sont facturables au tarif d'un billet de cinéma, soit 58 000 € à récupérer. Ce serait une première et un non-sens total.
Pas un centime n'a été détourné selon le Méliès

S'ajoutent à tout cela des imbroglios administratifs, sociaux (harcèlement, licenciements, grèves dans d'autres services de la mairie...), des failles dans le rapport - une enquête interne faite avec nonchalance -, ou encore des méthodes pas très orthodoxes pour faire pression sur des employés ou des ennemis politiques... Tout y passe. Rien qu'au Méliès, il y a eut quatre accusations diverses (classées sans suite) en moins de deux ans de la part de la mairie. L'ancien adjoint à la culture, un socialiste viré par Voynet il y a trois ans, explique que "le détournement veut dire juridiquement que l'argent ne passe pas par la voie prévue, mais il n'y a eu aucun enrichissement personnel". Les syndicalistes ajoutent : "pas un centime, pas un euro n’ont été détournés du budget du cinéma."
La SRF accuse Voynet sans prendre de gants : "Toutes les allégations sur de prétendues 'irrégularités comptables' ne sont en fait qu'un prétexte pour aboutir au licenciement de Stéphane Goudet et démanteler l'équipe du Méliès, en portant atteinte à leur honneur, à celui des régisseuses, des caissiers et de ceux qui les ont défendus".
Jaoui, Donzelli, Amalric, Podalydès prennent les armes
Agnès Jaoui, Laurent Cantet, Mathieu Amalric, Arnaud Desplechin, Valérie Donzelli, Bruno Podalydès et Robert Guediguian  ont apporté leur soutien dans une tribune publiée dans Libération, "Voynet-Méliès: la guerre est déclarée" ; ils y affirment "leur engagement au côté de l'équipe" du cinéma Le Méliès contre "l'aveuglement de la mairie de Montreuil", après la mise à pied de trois salariés du cinéma, accusés de détournement de fonds. "Aveuglée par des luttes de territoire politiciennes, Dominique Voynet ne semble pas voir l’essentiel", dénoncent les signataires. "En déclarant la guerre au Méliès, elle affaiblit l’une des salles d’art et d’essai les plus exemplaires de France. Et (...) ce faisant, elle rend plus difficile le combat de tous ceux qui se battent pour une meilleure exposition de nos films", ajoutent-ils.
Moll, Anspach, Guédiguian entrent en résistance
Membres du conseil du Cinéma Méliès, Dominique Cabrera, Dominik Moll, Solveig Anspach et Robert Guédiguian ont rédigé un appel : "Le cinéma Méliès de Montreuil est à nouveau en crise. Alors que nous devrions être occupés à préparer au mieux l’ouverture, prévue fin 2013, du plus grand complexe d’art et essai-recherche municipal de France, un climat de délation et de soupçon empoisonne l’atmosphère. On parle de “découverte d’une caisse noire”, de “détournement de fonds". On dénonce les salariés du Méliès à la télévision, comme si l’on connaissait les conclusions d’une enquête qui ne fait que commencer. C’est la troisième fois en un an que les mêmes personnes sont attaquées pour des motifs chaque fois différents, avec chaque fois serment de détenir des éléments graves et déterminants."
Les citoyens occupent la salle, et sont évacués par la police
Le 16 mars dernier, une centaine de citoyens, motivés par l’association de spectateurs 'Renc’art au Méliès', a occupé le cinéma pour protester contre le récent démantèlement de l'équipe. La dernière séance a été annulée et les spectateurs sont décidés à dormir sur place. Une quinzaine d'entre eux étaient munis de sacs de couchages pour finalement être évacués par la police à la demande de la mairie.
La Mairie est actuellement piégée dans un bourbier qui dépasse les frontières de la ville, grâce aux bons relais médiatiques dont disposent les défenseurs et soutiens du Méliès. D'autant qu'elle a sa part de responsabilités en ayant voté les budgets ou, a contrario, oublié de vérifier les incohérences financières de ses votes. "Le Méliès rouvre, mais rien n’est réglé, souligne sa présidente Marie-Madeleine Cornières. Des écritures comptables sont peut-être passées, mais est-ce que cela méritait cette justice municipale expéditive, cette enquête à charge? Dominique Voynet a sali l’image de la ville et de ses agents." L'opposition comme les alliés politiques dénoncent la brutalité des méthodes de la Maire et exigent une mission d'information et d'évaluation.
Pendant ce temps, le nouveau Méliès, longtemps promis et déjà né dans la souffrance (lire notre actualité du 14 mars 2010), est un chantier en jachère... Et le risque est grand que le Méliès qui attire des dizaines de milliers de spectateurs et encaissent 700 000 euros de recettes en moyenne par an perde de son attrait alors que la fréquentation nationale est en baisse et que de nouvelles salles ouvrent dans la même zone géographique.

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